Mis en place en 2005, les Certificats d’Économie d’Énergie ou CEE sont un dispositif complexe forçant certains ‘obligés’ à réduire ou à inciter à réduire leurs dépenses en énergie aussi bien à des particuliers que des entreprises ou des collectivités. Mais la fraude déjà connue dans le secteur de la TVA et du RGE s’est également emparée des CEE à hauteur de plusieurs millions d’euros. Alors qu’il pourrait atteindre 840 millions d’euros, prélevés sur les factures d’énergie de tous les consommateurs (gaz, électricité, carburants…), le financement des CEE reste bien moins médiatisé qu’un ‘manque de fiabilité du DPE’ qui a fustigé bon nombre de diagnostiqueurs immobiliers et n’a touché qu’une faible fraction de la population.
Des fraudes à la rénovation énergétique ?
Mis en place dans le cadre la Loi POPE, les CEE avaient pour but d’encourager les économies d’énergie sans pour cela créer de nouvelles dépenses gouvernementales. Pas de crédit d’impôt comme pour un DPE, pas d’aide d’état non plus, car il s’agissait alors de fixer des objectifs de réduction d’énergie aux fournisseurs (électricité, gaz, carburants….) sous peine qu’ils se voient infliger une amende en cas d’échec à l’obtention de ces objectifs. En fait, chaque distributeur d’énergie (de la compagnie d’électricité à la grande surface vendant du carburant) doit en fin d’année attester d’économies d’énergie qu’il ne peut pas toujours réaliser sur ses propres consommations et infrastructures. D’où la possibilité pour ces ‘obligés’ d’acheter des économies d’énergie (en kWh) à d’autres entités dont les particuliers et les entreprises effectuant des travaux d’amélioration de la performance énergétique afin de ne pas avoir à payer d’amende.
De là, par l’intermédiaire de primes et de subventions, des obligés (fournisseurs d’énergie) aident les particuliers, les copropriétés et les entreprises à financer des travaux d’économie d’énergie dont ils revendiquent ensuite l’efficacité à leur compte afin de remplir leur propre quota d’obligation. C’est par ce mécanisme de CEE que l’on a vu des grandes surfaces offrir des bons d’achat aux particuliers sous condition de faire des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur logement, et que sont apparues les isolations de combles à 1 € puis des calorifugeages de canalisations presque ou totalement gratuits…
Mais comme toujours, dès qu’un marché se créée, des brèches aux abus sont exploitées par des malfaisants ; et le dispositif des CEE est devenu un marché dans lequel des requins se sont infiltrés pour détourner au final plusieurs dizaines de millions d’euros.
Le marché et la fraude aux CEE
On peut le qualifier de ‘marché’ puisque non seulement il s’agit d’un échange (primes contre kWh) mais qu’en plus des intermédiaires se sont infiltrés entre le fournisseur d’énergie (l’obligé) et le bénéficiaire de travaux d’amélioration de l’efficacité énergétique. Ces intermédiaires, qualifiés de ‘non obligés’, se sont alors lancés dans la double recherche de fournisseurs d’énergie en manque d’économies d’énergie d’une part et de prospects susceptibles de faire effectuer des travaux. Pour vivre et prospérer, ces non-obligés, prestataires de services ont cherché à recevoir des rémunérations en tant qu’intermédiaires.
Les dérives et fraudes qui se sont multipliées ont atteint des sommes importantes à force de cumul. Par rapport aux fraudes à la taxe carbone qui ont été commises par de grosses entreprises pour quelques montants importants, dans le cas des CEE c’est le nombre important de fraudes modestes qui a fini par représenter un montant de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Les fraudes relevées par les enquêteurs sont principalement réparties entre d’une part des artisans (obligatoirement RGE) qui antidatent ou sur-évaluent les factures des travaux réalisés, et d’autre part d’enseignes montées uniquement pour obtenir des CEE de manière illégale et souvent des sociétés sans activité véritable ou ayant racheté des entreprises labellisées RGE (Reconnu Garant de l’Environnement).
La correction aux CEE
Si le dispositif des CEE semblait si efficace pour réduire les consommations en énergie du pays que l’état y avait introduit en 2016 le volet supplémentaire des certificats d’économie d’énergie précarité (CEE-PE), on a profité de l’ouverture de la quatrième période des CEE pour réduire la gabegie et y faire le ménage. Jusqu’au début 2018, alors que l’État avait habilité jusqu’à 80 sociétés pour vendre ces CEE, au vu des dérives et des fraudes, il a été décidé de contrôler la pertinence de ces entreprises ce qui a eu pour effet d’en réduire drastiquement le nombre. On compte actuellement 13 sociétés ‘non-obligés’ seulement qui ont réussi à remplir les exigences dorénavant requises. A ce jour, les non-obligés (intermédiaires en CEE mais non distributeurs d’énergie) doivent attester avoir déjà reçu délégation pour obtenir au moins 150 GWh d’énergie avec un volume minimal de délégation partielle d’1 GWh.
Nota : Pour mémoire, ces quantités d’énergie (économisée) en mégawattheures (MWh) et gigawattheures (GWh) sont exprimées en multiples de kWh d’énergie finale CUMAC pour CUMulée et Actualisée. L’économie d’énergie CUMulée étant celle qui résulte de l’utilisation d’un produit (comme un isolant) ou d’un appareil (comme un ballon d’ECS) durant toute sa durée de vie ; l’économie d’énergie ACtualisée prend en compte sa baisse de performance par rapport aux nouveaux produits plus économes apparaissant tout au long de la durée de vie du produit initial.
Moins médiatisé qu’un manque de fiabilité du DPE, le scandale des CEE a tout de même fait réagir certains consommateurs avertis et notamment l’UFC Que-Choisir dans son article ‘Certificats d’Economies d’Energie Un coût explosif pour des gains putatifs’ même si les délégataires de CEE y ont été moins et moins souvent fustigés que les diagnostiqueurs immobiliers. Il est vrai que pour effectuer la plupart des diagnostics immobiliers, les ODI (Opérateurs du Diagnostic Immobilier) doivent attester de formation et de certifications en plus de déclaration de totale indépendance avec des fournisseurs de travaux ou d’énergie, ce qui n’est pas le cas des délégataires de CEE.