En ce mois d’avril 2022, une dizaine de départements en France sont déjà en alerte sècheresse. Cela risque bien de n’être que le début de l’extension de cette sécheresse aussi bien en termes géographiques qu’en nombre d’années. Le réchauffement climatique n’est pas un mythe, il ne neige pas suffisamment pour recharger les nappes et notre consommation d’eau tant agricole que domestique ne cesse de croître. Donc les sols se tassent, les nappes souterraines s’assèchent et le risque d’apparition de dolines augmente. Or à partir du moment où une construction repose sur le sol, elle est soumise aux mouvements de ce dernier. Et, que ces mouvements soient rapides lors de tremblements de terre ou lents lors de tassements et gonflements, une construction souffre, se lézarde et s’ouvre jusqu’à s’effondrer. Les conséquences des sécheresses sur l’immobilier se généralisent et c’est un risque qu’il faut prendre en compte désormais partout en France.
Le phénomène de retrait-gonflement des sols
Jusqu’alors, figure dans l’ERRIAL (Etat des Risques Réglementés et Information Acquéreur Locataire) le risque ‘retrait gonflement des argiles’ mais il semble que les seules argiles ne soient plus en cause et qu’il faille désormais traiter du risque ‘retrait-gonflement des sols’.
Certes, les sols argileux sont plus enclins que les autres à se gonfler d’eau pour s’en dégonfler plus tard, les faisant ressembler à une éponge dont l’épaisseur varie au fil des saisons ; mais lorsqu’il s’agit de sécheresses prolongées et récurrentes, tous les sols ou presque bougent.
De là, il semble opportun que ce risque de mouvement des sols ne soit plus limité aux sols argileux mais à tous les sols et que l’ERRIAL soit unifié nationalement afin que ce risque soit réellement mesuré partout qu’il s’agisse d’un retrait-gonflement dû aux argiles ou un retrait-tassement dû aux sécheresses.
A savoir : L’ERRIAL est la dernière appellation en date de l’état des risques anciennement ERNT qui devint ERNMT puis ERP, puis ESRIS puis ERRIAL. Jusqu’avant cette appellation définitive, il fallait lui trouver un nouveau nom à chaque fois qu’on lui ajoutait un risque à lister. En devenant ‘Etat des Risques Réglementés et Information Acquéreur Locataire’ l’ERRIAL peut évoluer sans changer de nom puisqu’il intègre de fait tous les risques réglementés à ce jour ou qui le seront plus tard.
Tassement des sols, effondrement, dolines
On pourrait raisonnablement penser que le risque d’effondrement des sols est déjà inclus dans le risque minier qui figure dans l’ERRIAL. Mais le risque minier ne résulte que de la coexistence d’enjeux de surface et d’aléas relatifs à l’exploitation de gisements miniers (charbon, or, sel, uranium…).
Bien que le risque minier tel que défini dans l’ERRIAL, prenne également en compte le risque d’effondrement de cavités naturelles, la nomenclature de l’intégralité des nappes phréatiques en cours d’assèchement n’ y figure pas exhaustivement. Ainsi, à l’exclusion de quelques sites rocheux, quel que soit le terrain sur lequel est érigée une construction, celle-ci risque d’être soumise à des mouvements de sol (hors sismicité) qui ne peuvent que s’amplifier et se généraliser si des sécheresses durent et se succèdent.
Et, au rythme auquel nous vidons les nappes phréatiques, si elles ne se replissent plus suffisamment, alors elles se videront et laisseront en leur place des cavités souterraines qui se tasseront et s’effondreront entraînant les constructions avec elles. De là, tassements de sols (de tous les sols) et dolines sont un risque à prendre en compte dès à présent.
Un risque déjà présent et pour longtemps
Selon le ministère de la Transition écologique, plus de 10 millions de maisons individuelles situées sur quasiment tout le territoire français sont exposées à ce risque dit de « retrait-gonflement des argiles ».
Dix millions de maisons uniquement pour le retrait-gonflement des argiles, mais si le risque s’étend à presque tous les sols y compris les ‘non argileux’ alors combien de maisons seront touchées ?
Le site Novethic cite Florence Lustman, la présidente de France Assureurs, la fédération des sociétés d’assurance ainsi : « Dans nos prévisions, les coûts des dégâts causés par les événements climatiques seront multipliés par deux à horizon 2050, et le risque qui progresse le plus selon nos projections, c’est la sécheresse. Sur les trente prochaines années, le coût de ces dégâts devrait atteindre 143 milliards d’euros en cumulé, dont 43 milliards d’euros rien que pour le péril sécheresse ».
Or, tout acquéreur devrait savoir qu’il y a toujours un décalage important entre l’année de la sécheresse et les impacts sur le bâti ; et que ce décalage dans le temps entre l’événement climatique et les dégâts causés fait qu’il est parfois difficile d’obtenir l’indemnisation car il faut prouver le lien entre la sécheresse et les dommages. C’est pourquoi la loi prévoit ainsi d’allonger le délai pour la demande d’indemnisation, qui passe de deux à cinq ans et que le gouvernement devrait proposer un nouveau dispositif d’indemnisation spécifique, qui pourrait survenir éventuellement en dehors de la garantie des catastrophes naturelles.
Quoi qu’il en soit si les risques dans nos logements diminuent en raison des diagnostics immobiliers et notamment ceux relatifs au plomb et à l’amiante, la succession de sécheresses va faire croître le risque de retrait-gonflement des sols et d’apparition de dolines qui risquent de rendre inhabitables voire d’engloutir bon nombre de maisons.
A savoir : Une doline est une excavation (trou) circulaire pouvant mesurer de dix à plusieurs centaines de mètres de diamètre. Quelques exemples de dolines sur le site Slate.