Il est toujours intéressant, aussi bien pour un diagnostiqueur immobilier, un agent immobilier, un acheteur, un vendeur ou un notaire de suivre l’évolution de la jurisprudence en matière de responsabilités en cas d’erreurs ou de fautes. Les obligations de diagnostics immobiliers ont rajouté un intervenant, le diagnostiqueur, dans une transaction qui ne se jouait jadis qu’à 3 parties. Et qui dit intervenant supplémentaire, dit responsabilités partagées et/ou conflictuelles. C’est un conflit de ce type qui a opposé un acheteur ayant cru acquérir un appartement de 131m² qui ne faisait en fait que 104m². Qui paye quoi ? La justice a tranché.
Le conflit acheteur VS agent immobilier
L’acheteur aurait fait confiance à l’agent immobilier qui se serait basé sur les dires du vendeur au sujet de la description du bien et notamment de sa surface habitable. Le prix et l’annonce ont donc été établis sur une superficie habitable de 131m² qu’un diagnostiqueur immobilier avait calculée lors du diagnostic de surface Loi Carrez. La transaction effectuée, quelques temps (trop de temps) après son entrée dans les lieux, le nouveau propriétaire fait effectuer un nouveau mesurage qui ramène à 104m² seulement la surface habitable de son appartement. Si l’appartement n’a pas perdu de son charme apparent, l’acheteur se sent lésé et comprend que le prix de vente mais surtout les frais associés ont été proportionnellement démesurés. Il porte alors l’affaire devant la justice.
1er round l’acheteur débouté
Pour la justice, l’agent immobilier n’avait pas à effectuer de mesurage Loi Carrez ou autre puisqu’il ne dispose d’aucune compétence particulière en cette matière pour apprécier l’exactitude des informations fournies et que, de plus, il n’avait pas à mettre en doute ou à vérifier un mesurage déjà effectué par un professionnel. En conséquence : « aucune faute n’était démontrée à l’encontre de l’agent immobilier, de nature à engager sa responsabilité dans l’exécution de sa mission ». L’agent immobilier n’étant pas responsable de l’erreur de mesurage, sa responsabilité n’est pas engagée. L’acheteur est donc débouté de son action contre l’agent immobilier.
2ème round l’acheteur déchu
Le second round de ce combat est l’action en réduction de prix. Prévue par la loi, il est possible de faire ajuster le prix du bien vendu et des frais afférents au prorata de l’erreur de surface lorsque celle-ci est supérieure à 5% de la surface réelle. Entre 131m² et 104m², l’erreur tant de 27m², elle est bien au-delà des 5% et dépasse même les 20% ! Sauf que dans ce cas précis, si l’action en réduction de prix est recevable sur le fond, elle ne l’est plus sur la forme puisque notre acheteur l’a engagée trop tard (2 ans après la signature de l’acte notarié) alors que cette action n’est recevable que dans l’année qui suit la signature de l’acte authentique. (Art 46 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété). L’acheteur est donc déchu de ce recours en réduction du prix.
Au final, le diagnostiqueur condamné
C’est donc contre le diagnostiqueur immobilier que l’acheteur se retourne et obtient enfin compensation. En effet, c’est lui qui a engagé sa responsabilité en signant une attestation de surface erronée et qui est le responsable de ce différend. C’est sur la base de cette surface de 131m² que se sont appuyés les arguments du vendeur et de l’agent immobilier pour déterminer le prix de vente, et sur ce prix de vente qu’ont été calculés les frais d’enregistrement et les commissions d’agence. Après toutes les démarches de l’acquéreur, c’est au final le diagnostiqueur immobilier qui est condamné par la justice à payer à l’acquéreur le surcoût et les frais bancaires induits par ce surcoût.
Les enseignements à en tirer sont donc pour les vendeurs de conserver les attestations fournies par tout diagnostiqueur immobilier, et, pour les acheteurs de ne pas attendre une année après un achat pour faire vérifier l’exactitude d’un mesurage Loi Carrez ou de tout autre diagnostic immobilier.