Depuis que le projet de décret a été annoncé, c’est un flot de contestation qui arrive de la part d’organisations de défense des locataires et/ou des mal-logés ainsi que d’organisations non gouvernementales, parmi lesquelles : DAL (Droit au logement), la fondation Abbé Pierre et Greenpeace notamment. Le décret envisagé a pour but de combler le vide dans une décision de 2015 de la loi SRU (Solidarité et Rénovation Urbaine) qui décidait de faire entrer l’efficacité énergétique dans les critères de décence des logements. En cours jusqu’au 20 juin, la consultation publique est encore ouverte à condition de faire vite ! S’il est adopté, ce projet de décret prévoit que des conditions minimales de chauffage et d’étanchéité à l’air soient imposées pour que le logement soit déclaré comme décent ; mais rien à propos d’une réelle efficacité énergétique. Pourtant, pourquoi rendre le DPE obligatoire sans se servir de ces résultats ? Et pourquoi ne pas lutter efficacement contre les logements passoires qui plongent une frange croissante de la population dans la précarité énergétique ?
Le décret qui plombe le DPE ?
Si le projet de décret est présenté comme « relatif aux caractéristiques du logement décent en y ajoutant un article présentant les caractéristiques minimales de performance énergétique à respecter pour la mise en location du logement », pourquoi ne se base-t’il pas sur le Diagnostic de Performance Energétique ?
C’est cette question qui prévaut à l’heure où l’étiquette énergie a fêté ses 20 ans et où on retire des classes énergivores (F et G) à des appareils pour qui on en crée de nouvelles (A+++, A++ et A+).
C’est dans la loi SRU (loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain) qu’ont été pour la première fois édictés les critères de décence d’un logement. Rappelons que c’est en vertu de ces critères de décence qu’un locataire peut obliger son bailleur à effectuer les travaux relatifs à la mise en conformité d’un logement et qu’une attestation de décence et de salubrité est réclamée par les organismes d’aide sociale afin que les bénéficiaires puisent en percevoir les aides.
Depuis 2015 déjà, il était question d’intégrer la performance énergétique dans les critères de décence, mais jusqu’à ce récent projet de décret aucun texte n’avait été rédigé quant à la précision d’un seuil de performance énergétique en deçà duquel un logement aurait pu être déclaré comme indécent.
Logiquement, on s’attendait à une ou deux classes énergies rédhibitoires (logements particulièrement énergivores) afin d’éviter les passoires énergétiques qui sont responsables de trop de cas de précarité énergétique ; mais, las, il faudra se contenter de vitres aux fenêtres et de portes qui ferment.
L’étanchéité à l’air ‘correcte’ ?
D’après ce projet de décret, le ‘minimum de performance énergétique’ d’un logement pour qu’il ne soit pas considéré comme indécent ne tiendrait qu’à quelques 6 critères parmi lesquels 3 seulement sont imposés en 2020, les 3 autres ne l’étant qu’en 2025 !
« Le logement dispose d’une source de chaleur fixe en bon état de fonctionnement dans toutes les pièces principales… Le cas échéant, les cheminées doivent être munies de trappes ;
Les portes et fenêtres sont telles qu’elles permettent une fermeture correcte et disposent de joints permettant une étanchéité à l’air correcte;
Les vitrages des fenêtres et des parois vitrées sont présents et en bon état ;
Les murs et parois du logement donnant sur l’extérieur ou sur un local non-chauffé sont jointifs et présentent, de par leur nature et leur état, une étanchéité à l’air correcte.
Les portes donnant sur un local non-chauffé présentent, de par leur nature et leur état, une étanchéité à l’air correcte;
Le logement ne présente pas d’excès d’humidité lié à des conditions structurelles et pouvant entrainer des surconsommations d’énergie. Les dispositifs de ventilation présents sont maintenus en bon état de fonctionnement de manière à limiter l’humidité. »
Outre le fait que le décret ne vise que les logements situés en métropole (à croire qu’à Saint Pierre et Miquelon, le chauffage n’a aucune importance…), les différentes associations contestent le fait qu’aucun seuil minimal d’efficacité énergétique n’ait été défini pour qu’un logement soit qualifié de décent. Il suffit que l’étanchéité à l’air et les fermetures soient ‘correctes’ (qui définit un seuil de ‘correction’ ?) pour que le logement ne soit pas indécent énergétiquement. Il est vrai que lorsqu’on regarde de plus près le parc des logements proposés à la location, on s’aperçoit que les seuls loyers accessibles à des revenus très modestes sont des logements pas ou peu isolés avec des DPE en fin de liste. Rendre obligatoire une classe énergie minimale (en KWh/m²/an) pour qu’un logement puisse être habité aurait condamné des milliers de logements à l’abandon à l’heure où le parc locatif à petit prix est insuffisant pour abriter l’intégralité des mal-logés et des SDF.